Une année difficile, +++-

•Sortie France le : 18 octobre 2023
•Synopsis et bande-annonce : uneanneedifficile (via Gaumont/YouTube)
•Chronique :

 

La même rengaine depuis 1974 Trouver le bon angle d’attaque pour bien appréhender le récit du film, question d’éviter les fausses pistes Noémie Merlant

« Est-ce que j’en ai besoin ? Est-ce que j’en ai vraiment besoin ?  Est-ce que j’en ai vraiment besoin maintenant ? »
Si vous êtes dans l’une des situations précaires présentées dans le film, je vous le dis très franchement, malgré cette formule en début de paragraphe censée vous faire prendre conscience que vous risquez de faire une connerie, vous ne trouverez pas de réponses à vos problèmes, même s’il les évoque. Car comme le film le fait si bien comprendre, cela commence par soi.

Des face-à-face qui montrent que les combats – comme celui de mettre les consommateurs face à leurs responsabilités – sont peut-être perdus d’avance, avec le génie de sa première scène dont le contraste entre sa violence mettant en exergue le ridicule comportemental de beaucoup et la musique de Jacques Brel, « La valse à mille temps » , le ton du film est vraiment donné.‎

Une Année Difficile évoque :
– L’égoïsme générationnel : Celui-ci est très bien mis en avant avec cette‎ scène du Black Friday qui est suffisamment éloquente pour ne pas avoir besoin de décodeur afin d’expliquer le terme.‎ On y voit l’animal sauvage qu’est l’humain.‎
Il tente de décoder :
– Les mouvements contestataires : Activisme écologique et anti-surconsommation, les portraits ‎tirés ‎à quatre épingles sont parfois caricaturaux, mais rien ne nous empêche de faire le rapprochement entre ce qui se passe à l’écran et nos connaissances du sérieux du sujet dans la vie réelle.‎
‎- Les endetté.e.s à cause des crédits à la consommation, prêts personnels qui poussent à la surconsommation et donc au surendettement, le film montre la spirale infernale dans laquelle rentrent beaucoup de personnes qui ont du mal à s’en sortir, ce même quand elles sont de bonne volonté, car prise de conscience de la situation étant, ‎quand de mal en pis, être dans la mouise et le savoir est une chose, voir que l’on ne s’en sort pas à cause de ses pulsions est toute autre chose. Le film évoque aussi cela, l’addiction.
Pour les personnes qui s’intéressent à ses sujets sans pour autant être investies dans le militantisme, rassurez-vous, les discours certes redondants, ne sont pas forcément désagréables à entendre.

Du sit-in, du squat, mettre sa vie en danger pour ne serait-ce juste tenter de réussir à interpeller des personnes sur leur.s agissement.s, le tour d’horizon des activistes écolos est très largement fait : typologies, motivations, les codes, la complexité de leur personnalité.
Les petites magouilles ou combines pour garder la tête hors de l’eau, tant que cela soit encore possible pour les personnes qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, Une Année Difficile, qui oscille en permanence entre une ambiance grave et une légère, cependant, en majorité, on perçoit que le traitement de sujets sociétaux lourds et très actuels est effectué en mode cool. Il faut savoir le prendre comme il est.
‎Car fait légèrement caricatural, rien qu’avec les prénoms très policés et les blagues potaches, le film qui – je le pense et à l’attitude du public de ma séance – divertira plus que fera prendre conscience de la délicatesse des sujets abordés, il fait son travail de comédie sociale assumée.‎

Une Année Difficile, côté comédie, c’est un bon duo qui pour moi, trouve son climax dans la séquence d’une scène se déroulant dans un ascenseur.‎
Humour et rythme font très bien le travail, les personnages sont attachants, dès l’instant que l’on parvient à faire le distinguo entre la comédie et le dramatique des aléas de la vie, de la situation du surendettement et des gens qui veulent et font au mieux pour s’en sortir, le film, on « l’hume » un peu, voire pas mal, car son petit aspect légèrement instructif ou pédagogique n’est pas un alibi.

J’ai beaucoup apprécié :
– La délicatesse portée à certains personnages dont les portraits deviennent touchants, car sont rendus empathiques ;
– La présentation de cette dualité : Le prix de l’engagement versus celui du mensonge ;
– La prise de conscience d’un personnage sur sa condition lorsqu’il se regarde dans un miroir (- D’une certaine manière, l’instant est introspectif -) ;
– Les marches rouges (- Bien « impactant » comme séquence -) ;
– L’emploi d’une question : « À quoi ça sert ? » Oui, toujours cette question agaçante posée par un journaliste qui semble bien agacé par le type d’action choc qu’il couvre. Est-ce là une dénonciation par les réalisateurs de l’attitude ou du traitement médiatique dédaigneux de la presse envers les militants écologistes ?
– La scène avec Madame Danièle Lebrun, qui évoque la transmission générationnelle ;
– La scène très courte dans la salle de Commission de surendettement lors du rendu de décision. J’ai trouvé qu’elle était la plus cruelle du film, d’un inattendu et juste cynisme de la part de ses réalisateurs, comme une guillotine.
Figure de style de plus en perceptible du duo de réalisateurs qui est la présence dans leur film d’une scène très dure, très marquante, déchirante, qui interpelle comme dans Hors Normes et cette scène avec Hélène Vincent, en mère bien âgée et désemparée, qui se pose la question du devenir de son fils autiste quand elle ne sera plus là. Je m’étais pris une très méchante claque devant cette scène, idem devant celle de la Commission.
– Le circonstanciel « This is the end » de The Doors ;
– Le fait qu’à nouveau, on me fasse ressentir cette sensation : Être impressionné devant la présentation de rues vides de Paris, le silence qui y règne en pareil cas.
– Le fait qu’au-delà de la comédie, il explique les situations, présente, sans pour autant se positionner en œuvre Messie qui apporte des solutions pour tenter de s’en sortir.

J’ai moins apprécié :
– Ce ressenti côté présentation, comme si la lutte sociale était un jeu ;
– Cette scène finale. Des hommages tardifs, dont un pour le comportement solidaire durant la Covid-19 ? Un clin d’œil aux films musicaux d’antan ou question de faire un peu d’Hazanavicius ?
Quoi qu’il en soit, ce final m’a définitivement fait positionner le film dans la catégorie des fresques utopiques ou juste des comédies populaires.

Alors, Une Année Difficile ?
C’est le film du duo Toledano et Nakache avec ‎lequel j’ai eu le plus de mal.‎
Les sujets traités sont intéressants, les actrices et acteurs, je les ai aimé.e.s, mais voilà !
La situation du surendettement et les accidentés de la vie financièrement parlant : Le surendettement (avec les surendettés récidivistes) et l’activisme écologique « radical »‎ oui, Une Année Difficile nous l’a fait simple et facile d’accès côté sujets.
En mode feel-good movie, les sujets sociétaux tels que : le consumérisme, l’urgence climatique, la décroissance, la lutte pour la planète présenté.e.s en parallèle de la lutte pour survivre, tout cela saupoudré de romance, je loue l’intelligence du scénario qui montre que, dans un cas comme dans l’autre, on se bat pour se sortir de situations que nous avons causé, mais…voilà !
Une Année Difficile est-il la critique d’utopies que sont potentiellement des combats perdus d’avance ?
Pourquoi pas, mais peut-on traiter tous les sujets en mode léger ?
Mitigé côté ressenti, globalement, pour moi ce film donne trop dans le consensuel.
Des bonnes thématiques, des gentils personnages quand d’autres sont présentés tels des guignols avec des traits un peu trop tirés (Sidonie), ou des crétins qui parviennent à facilement retourner le cerveau de gens bien droits dans leurs convictions, oui trop consensuel, comme pour plaire à toutes et à tous, ou plutôt pour ne déplaire à personnes.
Cash ! Une Année Difficile est un divertissement pas désagréable, car bien dans l’esprit de l’univers de ses deux réalisateurs humanistes que sont : messieurs Éric Toledano et Olivier Nakache. La présentation incarne leur style ainsi que leur idéologie humaniste, et bien sûr, côté bande sonore, c’est toujours zéro faute de goût, là ça claque ! Bonne toile !

 

« La richesse n’a pas de prix, c’est la valeur que l’on donne aux choses qui compte (…) L’homme est un pont. »

« Ce serait dommage de ne pas se mettre à l’abri du vent quand il y a un abri »

 

 


 

@cineprochereviews