⌈ Des explications pointues – Des claquements de doigts – Des sifflements de serpent ⌋
« L’ignorance est ton ennemi. Le savoir est une arme »
Je pourrais commencer cette chronique par : « C’est l’histoire d’un gars plutôt attachant et d’une sombre période que beaucoup, surtout les jeunes, pensent à tort révolue. » Je pourrais !
120 BPM est un film plus docu fiction que film dramatique pur du fait que tout du long, il informe et éduque.
Il nous dit qui ils étaient et qui ils sont, le pourquoi de leur existence, mais aussi que leur long combat démarré en 1989, celui qui a permis de faire bouger les lignes, n’est toujours pas fini…contrairement à ce que certains peuvent croire.
« Ils » , ce sont les activistes d’Act Up Paris.
Captivant, poétique et avec de l’humour :
En long en large et en travers. Act Up Paris.
En long en large et en travers. La maladie et son évolution, en s’axant sur un personnage.
En long en large et en travers. La maladie qui bouffe le corps : la peau (les lésions cutanées dues au Sarcome de Kaposi) et qui affaiblit.
En long en large et en travers. Des petits plaisirs qui se savourent, encore plus quand on sait qu’il pourrait s’agir du dernier.
–« Nous savons que votre situation est délicate »
–« Je connais vos difficultés, je sais que ce n’est pas facile pour vous »
120 BPM est un film qui n’égare pas son spectateur, qui ne l’épargne pas non plus, qui ne cache rien côté sexualité avec des scènes d’amour crues, fortes et belles, comme le message général du film : « C’est ainsi que cela se passe. »
Les dialogues, percutants, montrent le cynisme flagrant de ceux pensant savoir ce que vivent les séropos qui crient avec ce qui leur reste d’énergie : « On est entrain de crever là. » (Cf : Propos et comportements, comme ceux ci-dessus, horripilant lesdits séropos). Ce type de messages qui sont des cris provenant des tripes, c’est quand ils avaient en face d’eux des représentants de labos et autres organisations qui leurs rétorquaient qu’ils comprenaient ou savaient ce qu’ils vivent, ou encore : « Je connais vos difficultés. »
Act Up-Paris 1989 ! Actions chocs, coup de poing avec « les zaps » comme celui au siège d’un grand laboratoire pharmaceutique, dans des conventions insipides sur le Sida ou encore dans des écoles (illustration par la scène dans un établissement scolaire) et ce, afin de se faire entendre des médias pour ainsi faire passer le message, celui que les puritains et gouvernement verrouillent. Act Up Paris 1989 !
Ces confrontations entre activistes et labos ou autres institutionnels montrent le décalage de l’époque sur l’information.
Aussi, sans trop insister sur le sujet, 120 BPM marque la différence entre Act Up et AIDES. Il est vrai que bien souvent, on confond les deux.
« On aurait aimé qu’ils vivent tous »
Montrer ! Montrer non pas des malades ou des futurs morts, mais des êtres humains atteints par une saloperie, montrer que tout le monde n’était pas contre eux, montrer qu’entre-eux mêmes les divergences existaient, montrer et expliquer la volonté de tous.
Cela est intelligemment fait ici.
Intéressant, saisissant, souvent édifiant et surprenant, les gros plans sont éloquents, les scènes d’amours fortes parfois gênantes (- pour les pudiques du fait d’être belles, bien filmées mais surtout très intimistes -), le sujet et la mise en image, il n’y a rien à redire, tout est en parfaite harmonie.
Enrichissant, beau, honnête, cru, partisan à (une) juste cause, 120 BPM est un film où la légèreté et la gravité se côtoient facilement tout comme l’humour et la mort.
Son personnage principal symbolise tout : de la joie de vivre au désarroi de l’impuissance, mais surtout de l’acceptation que le temps est venu, celui où l’on sait que l’on est arrivé à ce stade, le stade où une évidence cruelle ne peut plus être éludée.
120 BPM, ce sont aussi des descriptifs simples et courts distillés tout au long du film mettant le vécu des séropositifs à la portée du spectateur, mais aussi leur quotidien, comme la vie de couple avec l’un en stade terminal, instants où la dignité demeure.
Il y a aussi des termes – que l’on entend jamais de nos jours – liés à la maladie, faisant que l’on a l’impression que tout ce qui nous est présenté dans ce film était un mauvais moment qu’ont vécu certains et qui aujourd’hui n’existerait plus…à tort bien sûr.
C’est le type de film qui fait mal mais qu’il faut regarder en face, comme ce corps malade qui évolue tout du long du film. Il faut prendre le courage de le faire pour accepter que tout cela a existé, existe et qu’il y en a beaucoup qui sont partis à cause d’elle, la maladie du Sida (- il ne faut pas avoir peur de la citer -). Car, c’est aussi respecter la démarche du réalisateur qui montre les choses telles qu’elles sont et pas que comme elles l’ont été. Le message est là, et le nier en se mettant des œillères ne fait pas avancer les choses.
Étourdissant. Une étrange bouffée de chaleur pourrait vous envahir à la fin de la séance de ce film qui mérite vraiment les éloges qui lui sont faits.
Cultivez-vous bien, retenez, faite passer le message ! Bon film !
- p.s : À deux instants du film, il y a cette grande masse de rouge, elle est impressionnante. Et puis, ce souffle qui oppresse, celui de Sean sur son lit. Il agit sur nous et nous tord le ventre du fait qu’involontairement, notre respiration se cale sur la sienne. Une drôle d’expérience qu’est cette scène, un grand moment qu’est ce film qui n’est pas seulement à voir, mais aussi à garder en mémoire !