Jeanne du Barry, ++++-

•Sortie France le : 16 mai 2023
•Synopsis et bande-annonce : jeannedubarry (via Le Pacte/YouTube)
•Chronique :

 

Histoire d’une ascension mal commencée — Récit d’un beau face-à-face — Histoire de la Cour de France, ici : Histoire d’amour(s) et des puériles jalousies …

Une cour de Roi, donc la présentation d’un autre temps en tout : Langage, mœurs, la liberté, l’amour à l’époque et ses multiples facettes.
Comme désormais il faut du supplément d’âme pour donner du corps et marquer le public, il y a aussi l’intemporelle thématique – bien mise en avant – de la violence exercée à l’encontre des femmes. Dès lors, on peut déduire que ce film de Maïwenn n’est pas de l’opportunisme visant à faire du beau, mais de faire de l’efficace avec du faste, et cela fonctionne. Classe !

Belle, réaliste, pas fataliste, l’histoire de la personne qui est ici relatée confirme une chose : Jeanne Vaubernier devenue Comtesse Jeanne du Barry, son histoire devait être racontée tant en une femme, il y a beaucoup de femmes.
Mais il y a aussi le traitement – sans gants – d’us et coutumes d’antan qui aujourd’hui mettraient beaucoup mal à l’aise, et des propos qui mettraient d’autres en PLS*.

Donc Jeanne du Barry ?
Portrait d’une avant-gardiste qui a imprimé son sty‎le à la Cour du Roi de France Louis XV et qui était très « scrutée » : « Elle est en blanc » , « Elle a les cheveux lâchés. »
Maïwenn n’a rien occulté dans la présentation de l’époque et il ne semble pas y avoir de gratuité ou de la facilité dans les évocations de lieux, de comportements, de propos, de rites.
Toutefois, pour certaines personnes du public, il risque d’y avoir un souci si elles ne prennent pas du recul devant tout le contenu, car il faut contextualiser les choses.
Autant par moment, on rit de situations incongrues, autant d’autres ne donnent clairement pas envie d’esquisser un sourire, tant il est compliqué de le faire, voire gênant.
Et c’est en cela que je loue la mise en scène, car la proposition du récit sur cette courtisane qui « était » la femme d’un autre, d’autres hommes, une courtisane devenue une femme amoureuse d’un homme qui de surcroît était un Roi, une femme affublée d’un surnom : « La créature » , très jalousée de beaucoup, oui, le récit est intéressant pour l’ensemble d’un contenu riche et instructif :
-Montre des lieux comme « Le parc aux cerfs » et ses « drôles » activités.
-Des termes comme le sympathique : la « bagatelle » , et des biens moins comme : « négrillons. »
-La galanterie qui aujourd’hui n’a rien à voir avec le terme d’antan.
-Les jeux d’influence qui sont toujours un sport de fond.
-L’opulence et la profusion qui étaient vraiment quelque chose à cette période là.
-Que quel que soit l’époque, l’âge fut et est un facteur souvent déterminant dans le règne et l’influence d’une femme auprès d’un mari dont elle dépendait ou dépend en tout.

Vous en voulez encore du décryptage !? Allez ! :
-Côté comportements, on est bien gâté ‎avec les ‎manigances en tout, la bêtise du racisme de l’époque qui ne se qualifiait pas encore de la sorte, la jalousie avec les messes basses et la méchanceté même durant le deuil – de la part de certaines envers cette « créature » qui ne devrait être à cette place – , méchanceté versus l’intelligence d’un futur Roi (Louis XVI) qui savait faire preuve d’un esprit de discernement précoce, car semblait avoir compris que son père aimait sa favorite et que cela était réciproque.
-« Usages » , us et coutumes, il y en a beaucoup à voir, mais les deux qui m’ont le plus marqué,  et aussi question de rester léger, demeurent la cérémonie du thé que beaucoup trouve encore aujourd’hui très folklorique, quant à la levée royale, c’est…., non, je vous laisse la surprise, vous n’hallucinerez pas !
Quoique pourquoi rester léger !? L’instant d’un cadeau qui se qualifiait d’« exotique, » selon qui on est – d’ethnie noire surtout – et même si c’était une coutume de l’époque, elle mettra mal à l’aise certaines personnes, et bravo à Maïwenn qui n’a rien éludé, rien aseptisé pour donner dans le pudibond ou plaire aux wokistes intégristes dans ce siècle des rien du tout ou qui serait comme le 20ème, celui de l’absurde exacerbé…pas pour tout bien sûr !

Mais dans tout ce contenu, il y a évidemment le portrait de la courtisane, la thématique principale du film en fait !
Il y en avaient avant et en existent encore de tous types, en décryptant celle qu’était Madame Jeanne du Barry , Maïwenn nous informe que :
-La Courtisane, un temps, c’était une place bien particulière, à condition que la personne réponde à des critères de sélection très précises qui évoluaient. Donc « le poste » , était comme un CDD où il fallait accepter de n’être qu’une variable d’ajustement.‎
-La Courtisane, une fois devenue favorite‎, hormis le fait d’accéder à un nouveau statut, cela ne garantissait pas l’exclusivité sexuelle, de la stabilité du lien sur le long terme et encore moins de la tranquillité vis-à-vis des femmes qui la détestaient.
-La condition féminine à l’époque avec les femmes souvent en demande d’être aimées ou qui désiraient obtenir juste un peu d’affection, ceci même d’un connard violent, ce besoin et des comportements qui semblent n’avoir guère changé, cela est aussi bien présent dans le film.‎

Jeanne du Barry ?
L’histoire de cette femme, quelle aventure !
Un rien provenant d’elle faisait beaucoup de bruit ou créait des situations qui faisaient croire que le monde s’écroulait.
Jeanne du Barry ?
Ses frasques, bien avant celles de Marie-Antoinette, dont on se demande si la plus jeune ne se serait pas inspirée de son aînée durant leur courte et pas vraiment cordiale fréquentation, ce récit qui d’entrée évoque la liberté de la femme, celle qui choisit de faire ce qu’elle veut avec son corps et l’assumer, est paradoxalement bien moderne.
Jeanne du Barry ?
Histoire d’une femme, histoire d’un homme. Histoire d’une favorite, histoire d’un Roi de France. Histoire d’une femme joueuse un brin provocatrice qui ne s’est jamais reniée.
Mais ce film c’est aussi l’histoire d’un beau lien d’amitié et de respect réciproque entre deux personnes : La Borde (Le super intendant) et Madame la Comtesse.
Jeanne du Barry, en résumé !? :
-Personnages au top avec une préférence pour celui…de l’intendant de Versailles joué par Benjamin Lavernhe ;
-Le récit par la voix off, classe ;
-Le tour d’horizon des us et coutumes de l’époque est très intéressant ;
-La grandeur de Versailles et la grandiloquence de tout un art de faire les choses sont ici magnifiées. Peut paraître surréaliste parfois, et pourtant cela a bien existé.

Le riche et attractif contenu ainsi que l’intelligence de la forme sont une chose, mais la réussite du film est aussi due à son casting :
-Maïwenn-Depp. Une actrice-réalisatrice, un acteur, qui nous offrent deux interprétations intelligentes de deux personnages de l’Histoire de France Versailles.
‎Très curieusement, Johnny Depp qui n’a pas beaucoup de dialogues prend beaucoup de place dans le film, car il est très charismatique dans son incarnation et m’a paru juste côté interprétation.
-Benjamin Lavernhe est royal (- Troisième fois que je le relève je crois ! -)
-Le reste du grand casting n’est pas en reste avec une mention spéciale à Pierre Richard en sémillant Duc de Richelieu.
Toutes et tous m’ont semblé avoir été à leur juste place.

Pas un film historique prise de tête, le cadre général s’apprécie, l’humour en sus est fort agréable, la forme est reposante.
Un récit effectué par une douce voix, des belles paroles et des riches échanges, à la fois instructive et touchante, cette fresque historique est belle et mérite d’être.
Elle s’ajoute aux œuvres engagées qui ne donnent pas dans le frontal côté dénonciations sociétales surtout en ce qui concerne la condition féminine. C’est l’intelligence de la gestion de la subtilité qui prime. Bonne toile !

 

 

« Les filles de rien ne sont pas t-elles prêtes à tout ? »

« – C’est grotesque ! »
« — Non, c’est Versailles ! »

 

 

  • p.s :  Film qui montre que l’éducation dans un environnement bienveillant peut faire de vous une tout autre personne et vous faire dépasser votre condition initiale, encore un constat que ce film ne contient quasiment que des thématiques en écho avec notre ère moderne.
  • *PLS : Position latérale de sécurité.

 

 


 

@cineprochereviews

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