•Sortie France le : 12 janvier 2022 __ Vu le : 19 janvier 2022 •Synopsis et bande-annonce : ouistreham (via Memento Distribution/YouTube) •Chronique :
– Chronique d’un spectateur qui n’a pas lu le livre –
L’implacable administration face à la détresse de personnes dont elles dépendent — Elles, Eux — Nous …
« Il s’est passé quoi pendant ces 23 ans ? »
Quand on sait à qui la question est posée, il est difficile de ne pas se remémorer une partie de la vie de la concernée, le sujet du film n’étant pas sur ce thème, passons !
Agent d’entretien, femme de ménage et non plus technicien de surface, « un métier qui a de l’avenir, » car « non délocalisable, » oui du cynisme peut se dégager de ce constat qui semble justifier trop de choses malsaines.
Caen. En immersion. Récit d’une journaliste qui s’est fixé pour objectif de « Rendre visible « Les Invisibles » : – « Les Invisibles, je veux les rendre visibles » –, nous participons à l’elaboration de son livre qui vise à dénoncer le travail précaire, en suivant son parcours et en écoutant les relevés de situations, de contextes qu’elle constate.
Film bienveillant, comme l’action, le montage du film, ses personnages de tous âges, leurs conditions et situations de vie, tout est présenté de façon simple, au plus juste, zéro pathos, Ouistreham se regarde en attisant notre curiosité tout en créant en nous un certain malaise devant les situations délicates presentées.
Dès son début et tout du long, ce film n’épargne pas son public en lui assenant des vérités qui seront bien parlantes à bon nombre.
Les situations, les propos, attitudes, présentation de cas qui font comprendre à quel point dans ce corps de métier, les employé.e.s sont du jetable ou de l’interchangeable surtout quand le patron négocie ses contrats sans tenir compte de la pénibilité des tâches à effectuer.
Comment vous dire cela de façon très concise. Ouistreham, il n’y a rien à enlever ou à ajouter. Ce film est très bien fait, très parlant, il n’y a pas de filtres pour édulcorer les situations de détresse sociale de certaines personnes, pas d’enjolivement non plus pour les instants de vie heureuse.
Dépouillé et direct, il est excellement bien porté par une Juliette Binoche très bien entourée d’interprètes qui pour certains incarnent leur propre rôle.
Un ferry. 230 chambres. 4 minutes par chambres et cela doit être nickel.
Ouistreham au-delà de la véracité de l’ensemble qui sans douter amènera certains à relativiser des petits tracas sans importance dans leur métier, le film fait de plans très éloquents sur des visages et des lieux, montre surtout les liens qui se créent entre des personnes qui ont des rêves, des personnes comme prisonnières d’un système dont les barbellés sont invisibles.
Pas vraiment saisissant, mais Ouistreham à sa manière est un film captivant et impitoyable. Profond et sincère, tout cela en évitant de jouer sur l’apitoyement et le misérabilisme, il s’échine à être efficace.
Film qui met en lumière un corps de métier composé de personnes nommées « Les Invisibles » alors que sans elles, bah ce serait très compliqué, il offre aussi l’occasion d’apprendre l’élaboration de ce type d’écriture, l’écriture de livres issus d’une enquête en totale immersion, celle où le-la journaliste, l’enquéteur ou enquétrice, effectue leur métier en s’impliquant et en respectant leurs sujets, ce en toute en connaissance de cause des dommages collatéraux de leurs mensonges quand ils seront révélés.
La France qui se lève tôt ou qui se couche tard, celle faite de personnel essentiel non considéré, ce film coup de poing qui réhabilite des travailleuses et travailleurs de ce corps de métier en les montrant sous un autre visage est un film social utile, un film hommage touchant. Bonne toile !
- Adaptation cinématographique du livre « Le Quai de Ouistreham » (2010) de la journaliste, grand reporter et écrivaine Florence Aubenas.