The Old Oak, +++++ ♥

•Sortie France le : 25 octobre 2023
•Synopsis et bande-annonce : theoldoak-vostfr (via Le Pacte/YouTube)
•Chronique :

 

Des situations Des visages Des réalités qui tendent à s’accroître plus qu’à régresser…

Angleterre 2016. Des immigrés syriens sont accueillis dans une petite ville. Les anglais qui sont connus pour leur franc parlé à jeun, donc alcoolisés vous devinez ce que cela donne de la part des très nationalistes ou de très conservateurs qui maîtrisent sans forcer l’art de l’accueil d’un étranger.
L’étranger, pas n’importe lequel bien sûr, pas des suédois, The Old Oak, Ken Loach ne prend pas de gants pour dépeindre l’attitude de ses compatriotes envers eux.

Jurons en veux-tu, bah jurons tu auras, car l’ADN britannique est bien là. C’est brut, comme si des caméras étaient juste posées dans la ville, le film fait des plans serrés sur celles et ceux qui rejettent l’autre, les autres, sans chercher à apprendre à qui ils tournent le dos.
Violence surtout verbale, Ken Loach avec The Old Oak semble nous proposer une immersion en terrain pas vraiment inconnu, avec des personnes qui pourraient être celles que vous croisez dans des lieux similaires à ceux ici présentés.
Le film est vraiment axé sur le racisme du quotidien, l’endémique porté et perpétré par des gens, qui par facilité, rejettent leurs maux sur des personnes ne demandant parfois qu’à retourner d’où elles viennent si les conditions de vie là-bas ne les condamnaient pas à une fin certaine.
Oui, ceci est aussi très bien montré dans le film, les haters ne se préoccupent guère des raisons de l’exil des réfugié.e.s et immigré.e.s et comme il est facile de s’en servir comme bouc émissaire, ils ne se privent pas.

The Old Oak,‎ c’est observer l’évolution des situations de rejet et d’acceptation à travers deux personnages que sont Yara, une jeune femme très rentre-dedans qui étonne même ceux dont c’est l’art de se comporter de la sorte, et ‎Mr Ballantyne, qui doit sans cesse remettre ses projets de baignade à plus tard, car l’univers a d’autres plans pour lui.

L’accueil et l’intégration des immigrés, les cultures qui se confrontent pour finir par s’accepter après que certains aient pris le temps de s’apprivoiser ; ‎Le peu auquel des personnes se raccrochent lorsque socialement et économiquement, la vie n’est pas facile et que peu de choses trouvent grâce à leurs yeux ;‎ Montre bien à sa manière les trois camps : celui de la bonne volonté, celui de la main tendue par bienveillance, celui qui campe sur ses positions de rejet même si cela ne lui apporte rien. ‎Oui, à sa manière qui est accessible à toutes et tous, Ken Loach parle des motivations des immigrés qui ont tout perdu en quittant leur pays pour un autre qui les accueille, mais dont un petit nombre de personnes jalouses, frustrées ou aigries qui aiment « Êtres entre-nous mêmes » se sentent envahis et ont l’impression que les leurs se préoccupent plus du sort des étrangers que des locaux.
Le cas de figure qui est souvent le même partout, Ken Loach fait de sorte que nous soyons plus dans l’empathie que dans la pitié, même avec ceux dont le comportement est détestable.

J’ai aimé ce film pour ses personnages, les problématiques présentées, mais surtout pour la manière dont elles le sont.
En effet, raconter l’histoire d’une vérité universelle dans le monde mais qui se déroule ici dans une province anglaise, celle du sentiment d’abandon à tous les niveaux des Autorités nationales, effectuer cette mise en lumière sans un ressenti de misérabilisme, faire ressentir la mélancolie d’un temps jadis qui est celle de la période ouvrière et minière dont les personnes qui l’ont vécu en sont fières, évoquer la Syrie d’antan éventrée par l’organisation terroriste État Islamique pour faire comprendre‎ le motif d’exil de beaucoup de personnes, oui, j’ai aimé le petit côté instructif du film.
Donc, ‎film fait pour…je n’en sais rien en fait, j’ai aimé les portraits, la volonté de rester tout du long sur l’aspect humaniste de la situation complexe présentée, cela même quand il dépeint des sots ultra-conservateurs – qui attention, se différencient des racistes – pour qui leurs maux sont causés par des étrangers. J’ai aimé‎ cette façon subtile de nous présenter l’universel et intemporel rejet de l’autre, d’une autre culture, cela par peur. The Old Oak poussera peut-être certaines personnes à se remettre en cause.

Globalement, je crois que Ken Loach a encore vu juste dans sa dénonciation qui comporte bien des messages :
– Une ville à l’image de ses habitants : « en ruines » , une ville en ruines dans laquelle « échouent » des réfugié.e.s qui viennent d’un pays, dont des bombardements en ont fait un champ de ruines, j’avoue que cette mise en abîmes est pertinente.
– Ceux qui ne veulent pas céder à l’air ambiant et au nivellement par le bas.
– La survie et ses différents visages.
– Les tragédies humaines.
– Les lâches qui se trouvent des boucs émissaires.
– Ceux qui sont fatigués d’essayer de s’en sortir.
– Celles et ceux qui fuient pour survivre, celles et ceux qui veulent quitter ce monde car il n’y a plus rien qui les y retient, les autres auxquels ils font face, Ken Loach nous présente des beaux portraits.
‎- Le pouvoir de la photographie, dont les multiples vertus amènent à beaucoup de choses, en une scène, ce pouvoir est illustré.
En effet, presque en larmes devant la scène de la projection de photographies, allez savoir si ce sont les airs de guitare, de voir les bienfaits de l’art qui amène toujours à de l’ouverture d’esprit, les photos et leur représentation, ou mon regret de ne plus faire de photos, mais les larmes sont venues. Cette scène est un peu plus belle et forte que d’autres avant, mais moins que celle du finish qui émotionnellement fait son grand effet.

Une leçon d’humanisme ou juste de fraternité, voilà comment je résume The Old Oak qui porte sur l’accueil, l’inclusion, le partage, le rapport aux autres qui viennent de très loin en laissant tout derrière eux. Il fait comprendre que dans certains cas, quand c’est votre humanisme qui vous y pousse, il faut faire fi des autres en restant droit dans ses bottes et pas en faisant les choses pour plaire à des personnes que vous pensiez connaître et qui au final, sont vides à l’intérieur, qu’il ne faut pas faire les choses par intérêts vénaux.‎

À bien des moments, je me suis posé cette question : « Comment font les personnes subissant le racisme endémique et systémique pour encaisser tant de rejet ? »
The Old Oak film fort, film choc, film engagé, film intelligent et humaniste, un Ken Loach quoi !
Grande vérité dans son film, il montre que les autres ne viendront pas à vous si vous n’allez pas vers eux, et qu’une communauté, ce sont des valeurs, pas juste un territoire, une religion, des us et coutumes, des habits, une culture. Enfin, c’est ce que j’ai compris en essuyant les petites larmes qui coulaient sur mes joues devant cette belle scène d’hommage à une famille. Bonne toile !

 

 

« Si on mange ensemble, on se serre les coudes. »

 

 


 

@cineprochereviews