•Sortie France le : 20 octobre 2021 __ Vu le : 20 octobre 2021 •Synopsis et bande-annonce : pleasure (via The Jokers/YouTube) •Chronique :
Le métier avec très très peu de filtres — Une industrie avec ses facettes — Et surprises, des actrices, acteurs et pro actuel.le.s du milieu du X qui s’incarnent. Pour plus de réalisme ? …
– « Ce métier c’est : La Baise – Ne nuis pas à ton image – Ne nous nuis pas » –
Cette œuvre est une exploration au sens large. On va de choses et personnes simples à des situations complexes, tout cela dans une forme très convaincante, pas vraiment complaisante ou partisane, et en aucun cas elle ne s’érige en procureure.
Un peu en mode in situ, l’activité professionnelle dans l’industrie du porno nous est montrée comme un métier quelconque. On nous expose à voir non pas l’envers du décor, ni du backstage, l’impression est plutôt donnée que quelqu’un nous invite à l’accompagner en son antre, dans ses coulisses, façon documentaire ou reportage sans intervention dont nous sommes les témoins privilégiés.
Dépouillage, détachement et vulgarisation au programme, on nous fait voir et comprendre qu’à tous les niveaux, on trouve de tout dans cette industrie et que comme dans toutes industries, il y a une hiérarchie. Entre le savoir et le voir, la différence est grande.
Ici, le grand tour de force de la réalisatrice, à travers la quête de la jeune actrice « en devenir, » est de parvenir à attiser notre curiosité, à la condition d’être ouvert.e d’esprit, mais surtout d’être curieuses et curieux.
En effet, Pleasure c’est une forme brute, mais avec du fond à parfois discerner.
La très fine frontière entre la comédie pornographique et la brutalité de certaines scènes où les tournages, qui malgré le fait que cela soit prétendument de la comédie laisse planer des doutes, des moments où un être humain reste un humain, demeure un être avec ses limites, on nous fait subtilement voir comment lesdites limites ne sont parfois pas prises en compte.
Oui, la force de la persuation vocale ou plutôt l’art de savoir manier la technique d’inculquer le sentiment de culpabilité, bref la manipulation pour amener quelqu’un à abandonner toute réticence ou obtenir sans violence physique ce que l’on veut d’elle, en une scène, vous êtes amené.e.s à remettre en question beaucoup de choses que auriez – peut-être – vu.
Oui, il y a des warnings dans ce film et les scènes qui les relèvent sont faciles à comprendre, surtout, elles sont sans redondances.
L’intrigue ? Tout est dans le speech et la bande-annonce.
Elle débarque tranquille aux États-Unis_Los Angeles, adopte quasiment la même attitude en débarquant dans cette industrie qu’elle pense faite pour elle alors qu’il ne s’agit point d’un milieu destiné à la première venue.
En effet, un peu la fleur au fusil, on suit cette ingénue pas vraiment crédule, mais qui ne se doutait pas des efforts à fournir pour atteindre son objectif, et le constat est sans appel : Pour les actrices de son niveau, ce n’est pas vraiment une partie de plaisir, pour elle comme pour ses concurrentes, et pour nous à qui on fait comprendre que tout est à des lumières des cut post-prod.
Car illusions et désillusions, la motivation est une chose, mais les contrats dont les termes sont clairs sont les contrats, donc il faut s’assurer de bien vouloir ce que l’on demande. Pour cause, comme partout, les autres pros qui sont là pour leur business n’en auront rien à faire de votre capacité à ne pas pouvoir ou à vouloir renoncer. Un investissement étant un investissement, c’est business is business. America…mais cela semble unviversel !
Pleasure c’est aussi un rapide constat, un nouveau et énième constat sans appel : C’est fou comme la froideur du brut (l’avant et durant un tournage) s’oppose à l’excitation d’images edulcorées où tout paraît si simple (la post-production). Ce point-ci, le film en est un parfait témoin. Le fort décalage entre le paraître et l’être est tout du long, d’une magistrale constance.
Constat toujours. À travers l’obsession de cette jeune femme à vouloir « Être la nouvelle Star du porno » et dont on se demande quelles sont ses motivations qui semblent inébranlables : Devenir actrice porno, une vocation comme entrer dans les Ordres ? La réalisatrice nous balance cette vérité à la face, plus froidement qu’une éjac faciale ou un jet cyprine. (- Jeu de mots à la con, mais circonstanciel -)
L’autre facette pédagogique de Pleasure :
-Il nous est bien confirmé que cette industrie est dominée par des hommes et que le système patriarcal qui est bien ancré ne compte pas disparaître de si tôt.
-Il nous est montré les étapes à passer pour perçer dans ce métier, donne comme impression que les filles – qui ne sont pas vraiment des petites poupées – y sont considérées parfois juste comme de la marchandise, un produit boursier qui s’échange au gré de la demande.
-Il fait comprendre que pour se faire un nom dans ce milieu, il faut y aller au culot et faire très attention à la concurrence qui peut être impitoyable, ce malgré des amitiés…fragiles, mais aussi qu’il faut bien choisir son camp.
-Fait surtout bien comprendre qu’il s’agit d’une industrie où les pros de toutes sortes ne plaisantent pas vraiment, une industrie très capitaliste plus axée sur le pognon que sur le flow de fluide masculin comme féminin qui n’est qu’une variable, Pleasure est convaincant sur tous ces points.
Avec ou sans maquillage, beaucoup de discussions très enrichissantes qui sont bien plus intéressantes que les scènes de tournages hard, Pleasure qui s’échine à montrer l’industrie de la pornographie sous ses différentes facettes ne se donne pas pour prétention de changer notre regard sur l’industrie du porno. Il s’agit d’un film pas très simple, axé sur l’accessibilité d’un monde, monde montré sous une autre face qui n’est vraiment la face B.
J’en veux pour preuve que devant cette réalisation, nous sommes souvent à la croisée des mondes : Le monde du cinéma porno pro avec ses comédiens et comédiennes plutôt avenants entre eux et l’industrie du porno où business is business.
Les clichés, les filles et leur corps, les hommes et leur…les hommes, le traitement des filles durant certaines scènes, on peut qualifier la perfomance d’exploit. Exploit !? Celui d’avoir un film osé, assez captivant sans vulgarité et sans voyeurisme, donc pas racoleur.
Pas vraiment orienté, sans réelle prise de partie, absolument pas à charge, Pleasure, il faut parfois quand même bien s’accrocher plus devant la froideur du professionnalisme que devant une quelconque excitation qui n’existe pas vraiment, excitation qui aurait pu être provoqué par les images ou scènes chocs et crues. Non, la froideur du professionnalisme dans ce milieu qui finalement est ici bien démystifié sera comme l’excitation que vous ressentez lorsque vous rentrez dans une boulangerie, passez votre commande, puis vous repartez. Peu d’exaltation en somme !
Film dont la scène la plus éloquente pour moi demeure la vengeance de Bella qui se mue en être dominante sans pitié sur sa partenaire, tout ça, sous le regard effaré et excité des pauvres hommes qui les regardent, j’ai eu l’impression que la réalisatrice souhaitait nous faire comprendre qu’en chaque petit ange, il y a toujours un démon qui sommeille, et que les femmes peuvent parfois devenir pire que des hommes.
Pleasure ! En gros, il s’agit d’une œuvre pour faire comprendre qu’il n’y a pas de providence dans ce milieu et qu’aussi motivé.e que l’on puisse être, attention !
Efficace et chirurgical, si l’objectif de la réalisatrice Ninja Thyberg était de montrer le métier d’actrice porno dans une industrie d’hommes, de changer un peu le regard sur pas mal de ses aspects, c’est réussi…enfin, je considère qu’avec sa visite guidée en 360 degrés dans cette industrie, elle a atteint son objectif…ce même si cela ne change les habitudes de consommation de certains et de certaines* ! Bonne séance !
- p.s : *Après visionnage de ce film, si vous étiez crédule, il se peut que vous regardiez les prod pornos d’une toute autre façon, c’est-à-dire avec moins d’innoncence, ou vous ne changerez rien à vos habitudes.
Si depuis un petit bout de temps, vous ressentiez une petite gêne ou de la culpabilité devant du porno ou un certain type de porno, il se peut que ce film accentue plus ces sentiments ou pas.
Une réflexion sur “Pleasure, ++++”
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