
•Sortie France le : 12 juin 2024 •Synopsis et bande-annonce : tehachapi (via MK2 Films/YouTube) •Chronique :
« J’ai changé » – « Je ne suis plus cette personne » – « Je ne veux plus être cette personne » …
État de Californie, 35 prisons.
Beaucoup des détenus qui s’y trouvent ont été condamnés et incarcérés à un très jeune âge, le monde a évolué sans eux. Enfermés dans un lieu où il n’y a que de la violence et pour y survivre, il faut être …violent, mise à part cette triste vérité qui ne nous apprend pas grands choses de nouveau, Tehachapi et le fait qu’il montre qu’à la différence des prisons françaises, dans celles des États-Unis, on peut voir du pays – c’est très particulier – tandis qu’en France, il est interdit de revendiquer, de discriminer quelqu’un sur la base de sa race ou de sa confession religieuse. C’est la loi, mais…! (- Dédicace aux médias type CNews… il s’agit d’ironie de ma part -)
Tehachapi, avant de rentrer dans le vif du sujet et pour comprendre la portée du projet, il y a donc cette importante explication de texte sur la survie dans les prisons américaines. Celle-ci est liée au communautarisme, oui, tu dois choisir ton camp parmi les noirs, latinos, gangs, blancs racistes, blancs très racistes, etcetera…
Tehachapi, qui est le nom de la prison dans laquelle la performance artistique a été produite, n’est pas une œuvre devant être prise comme un objet de curiosité. Il faut éviter d’aller s’enfermer pendant 92 minutes dans une salle cinéma en se disant que comme c’est l’artiste JR qui est à la manœuvre, tout sera juste beau et tout le monde sera gentil. Bref, bobos… non rien !
En quête de rédemption, les prisonniers qui participent au projet – dont pour certains, il s’agit de l’occasion de « représenter quelque chose pour quelqu’un » – sont tout simplement très investis. Un besoin de reconnaissance se ressent chez ces prisonniers de longue durée.
Très dangereux mais polis, impliqués, humains, ils ont fait ce qu’ils ont fait, ont commis des actes graves ou ont récidivé le nombre de fois qu’il ne fallait pas et boum, prison. Car il en va ainsi dans l’État de Californie, une chance t’est donnée, mais si tu te foires – coupable ou pas, mais tu étais là au mauvais moment – c’est fini pour toi, ceci est la règle de « La loi du 3ème coup » dans cet État américain.
Ces prisonniers de longue date sont conscients de leur faute, acceptent la sanction, tentent de survivre, certains en profitent pour se remettre en question durant leur peine et accélèrent cela quand le projet de JR, par chance, se propose à eux.
Comme d’habitude avec un film documentaire de JR, il y a la genèse du projet dont la présentation des lieux pour comprendre de quoi il en retourne et là, j’avoue que c’est toujours un moment assez perturbant pour moi !
Il y a dans ce documentaire beaucoup de propos, d’exemples qui pour même moi qui suis très stricte, ferme en ce qui concerne l’incarcération, m’ont poussé à me rappeler que malgré la bétonisation à outrance, il arrive qu’une fleur parvient à se frayer un passage et à grandir. La métaphore est comme je l’exprime, mais vous ne pouvez pas dire qu’elle n’est pas éloquente.
À l’exemple du témoignage de la mère de Kevin, un prisonnier qui se trouve être le descendant d’un juif polonais qui a fui l’Europe quand les Nazis perpétraient leur crime contre l’Humanité, ce descendant a fui pour mettre sa famille à l’abri, et donc Kevin (l’un des personnages clés du docu) qui s’est tatoué une croix gammée en entrant en prison, question d’appartenir à un gang pour survivre, est un exemple très parlant quant au fait que le manque de recul ou d’éducation pousse parfois beaucoup à se mettre à la marge, alors qu’en temps normal, ils auraient pris en compte la portée de leur acte.
Mais la vie qui parfois offre une occasion à ne pas manquer, dans Tehachapi, nous assistons à une drôle de rencontre entre un détenu et une doctoresse, le genre qui fait dire qu’effectivement, parfois, le monde est bien fait. (- Cette séquence est MON instant du docu -).
Tehachapi, qui comme est le rythme de la chanson « Sinnerman » de Nina Simone : c’est fluide, direct, chaud devant, chaud tout court parfois en ce qui concerne certains récits.
Tehachapi me fut assez particulier pour ce qui est de l’appréciation générale. Certes, il cultive sur le système judiciaire et carcéral américain qui selon les États sont différents, on peut se retrouver à louer l’initiative humaniste et être en admiration devant la rédemption et la résilience que certains prisonniers affichent, quand dans le même temps, selon qui nous sommes et ce que nous sommes venus chercher durant sa diffusion, il peut y avoir un léger malaise !
Car bien que souvent touchant avec des portraits qui sont humains, l’attention qui est portée aux prisonniers à l’occasion du projet artistique et qui peut paraître injuste pour leurs victimes ou des familles de victimes ne m’a pas mis dans l’angélisme ou dans une totale empathie à leur endroit. J’ai pris, il faut prendre ses distances avec l’émotion engendrée !
Toutefois, le réaliste que je suis admet cela : La reconnexion est l’un des pouvoirs de l’Art. Tehachapi en est l’illustration, une très bonne illustration même. Bon docu !