Blackbird, Blackberry, ++-

•Sortie France le : 20 décembre 2023
•Synopsis et bande-annonce : blackbird-blackberry-vostfr (via Capricci/YouTube)
•Chronique :

 

  •  Adaptation cinématographique du roman « Blackbird Blackbird Blackberry (Merle, merle, mûre) de Tamta Melashvili, 2023, ed. Tropismes (Pas lu).

 

Une distraction qui aurait pu lui coûter cher Quelque chose a comme changé Quelque chose va comme changer …

Passe souvent par là un beau merle qui n’est pas si désintéressé que cela et enfin, il n’aura plus à se désespérer dans son attente, car Ethéro la vieille fille solitaire, qui poussée par l’adrénaline d’un instant marquant, a décidé de laisser derrière elle 48 ans d’inactivité (sexuelle).

Parle des femmes et de leur condition, en des petits tours de table, les choses sont dites, des verdicts semblent tomber.
Les hommes, pour qui des excuses sont toujours trouvées par des femmes qui ne veulent pas les accabler malgré leur attitude, vivent leur vie.
Un petit village, une femme très sollicitée, raillée et méprisée parce que seule, oui, les convenances générées par le patriarcat mènent la vie dure à celles qui veulent s’en libérer. Blackbird, Blackberry, à travers ce singulier portrait de femme évoque les conditions de vie dans des pays de l’ex-URSS, des pays aux traditions fortes où le patriarcat était fort, il montre à quel point – tellement cela est bien ancrée même encore aujourd’hui – comment les femmes de l’ancienne époque très patriotique appliquent, imposent ou s’imposent une manière de se comporter, de vivre comme si elles étaient toujours sous le joug des hommes, car ce n’est que cela qu’elles ont connu. Heureusement, à travers un couple et une jeune fille, le film montre qu’il y a des petites avancées.

Ethéro vient de prendre conscience qu’elle est en vie, qu’elle n’a plus besoin d’obéir, de se soumettre, de se sacrifier aux injonctions de la domination masculine familiale, mais pourtant, elle semble être encore prisonnière du lien à son père mort, avec qui les relations étaient distantes.
Un regard vif et un sourire entier – rare, mais celui accompagné par un chant de merle est très beau – comme une gamine qui ressent ses premiers émois amoureux, le problème pour Ethéro est que tout cela est nouveau pour elle et son comportement qui pourrait nous étonner, peut se comprendre.

Portée par une actrice au visage très expressif, ce portrait intimiste dégageant be‎aucoup de pudeur est particulier.
Une relation adultère permettant à une femme de se découvrir et de vivre les choses qu’elle n’avait jusqu’alors jamais connues, le film raconte à sa façon le vécu de beaucoup de femmes, montre différentes générations de femmes géorgiennes et grâce à ses portraits de femmes délaissées – même quand elles sont en couple – ou sont dans l’attente du retour de leur homme ou d’un être cher, le film fait ressentir la profonde solitude dans laquelle se trouvent certaines. Il n’oublie pas de montrer le côté perfide de celles qui ne semblent pas accepter le changement de comportement chez l’une des leurs.
Sans le crier haut et fort, Blackbird, Blackberry est bien un film sur l’émancipation de la femme des pays de l’est, mais pas qu’elles et comme le film kosovar La colline où surgissent les lionnes, la dénonciation d’un pesant entre-soi dans les pays de l’ex bloc soviétique ou qui ont vécu des guerres récentes est mis en avant.

Rythme qui ne conviendra pas à tout le monde, mais qui correspond parfaitement au lieu, aspect brut des plus naturels, il faut accepter ce que l’on voit, accepter le fait qu’il ne contient vraiment aucune édulcoration comme le « mauvais » sang qui ici n’est pas bleu, mais bien rouge.
Blackbird, Blackberry qui cache bien son jeu avec sa fin qui est comme un message sur les surprises – mauvaises comme bonnes – que peut nous réserver la vie, même quand une grande partie de celle-ci nous a été confisquée, parlera à beaucoup. Bonne toile !

 

« Si le mariage et les bites rendaient heureuses, beaucoup le feraient. »

« Nous élevons des enfants pour notre pays »

 

 


 

@cineprochereviews