Le brio, ++++

 

⌈     Des grandes figures et leurs belles phrases pour appuyer une thèse – Le passé versus le contemporain – Trois personnages.     ⌋

« Quand on parle bien* , on oublie comment dire les choses simplement »

C‘est vrai, et rien n’empêche d’essayer, alors on y va !
Une banlieusarde, un réac, des provoc’, des répliques et une rivalité entre un vieux lion et une jeune tigresse, Le Brio pourrait se résumer à cela, mais m’arrêter sur l’animalisation des personnages serait trop facile, donc trop simple au final.
Dans ce film, on commence par une polémique qui survient après une demande de politesse, comme le statut de l’institution – Université Paris II Panthéon Assas ou n’importe laquelle autre – ou plutôt, comme l’éducation l’exige tout court. « Y a pas » de quoi en faire un fromage… mais il fallait bien un scénar.
Je radote, car je reconnais que l’essentiel dans ce film n’est pas là et en plus, l’intro que je critique est plutôt bien faite.

De la politique. Y a non, « il y a » deal et deal ! (- Vous comprendrez cette correction après avoir vu le film -)
Un deal qui donc nous embarque pour une mission de la dernière chance suite à une idée qui passait par là…comme ça.
Le Brio, c’est trois personnages :
-Personnage 1 : Un professeur droit dans ses bottes qui n’a pas peur de se faire des ennemis, c’est limite si cela ne l’amuse pas. Daniel Auteuil donne beaucoup de corps à son personnage. Politiquement incorrect, infâme, cynique, sarcastique, refusant d’être totalement en phase avec son époque, il incarne avec…brio, ce personnage dos au mur, vraiment acculé, qui on peut le dire, n’avait pas vu venir … jusqu’au bout, tout ce qui lui arrive. Mais curieusement, ce borné est attachant.
Elle. Elle – avec un potentiel qui ne demande qu’à être exploité – sait retourner la situation en sa faveur. Hé oui ! La maîtrise des mots, de la parole, pour elle, le Langage est une arme et je me risque à la paraphrase en disant qu’elle est une force.
-Personnage 2 : Le lieu : Un Paris magique avec des scènes dans le métro qui a rendu mélancolique l’ancien francilien que je suis. Fait exprès ou pas, on dirait que le réalisateur a voulu redorer le blason de cette ville en remettant en lumière le Paris des Artistes. J’en veux pour preuve la réaction de la Dame – d’un certain âge – dont le visage s’illumine, comme si elle avait retrouvé une magie passée aux oubliettes.
-Personnage 3 : Le fond. Il est – pour moi – une critique très acerbe de la médiocrité dans laquelle, volontairement, nous nous enfonçons. Un peu à l’image de tout ceux qui toute la journée, regardent des chaînes dites d’infos, ces chaînes « d’infos » (hormis France Info) qui ne nous informent pratiquement sur rien, car elles donnent l’impression de passer leur temps à divertir les téléspectateurs. (Cf : L’analyse  d’Antoine De Caunes lors d’une interview**  sur la télé réalité, qui peut être reprise en ce cas : « Elle fait son rôle de divertissement en ce sens qu’elle vous fait passer d’une chose à l’autre très rapidement et elle n’apprend rien.«  En gros, c’est de la consommation. Il n’y a pas de fond, libéralisation de tout pour des apports très limités,
Le Brio fait comprendre que s’attacher à de lointaines références comme la discipline, le savoir-être, le savoir tout court, n’est pas si mauvais que cela. En ce sens, c’est un film engagé, donc militant.

« Ce qui compte c’est d’avoir raison, pas la vérité, on s’en fout ! »

La technique, c’est ce qu’il y a de bon dans ce film.
À sa manière, Le Brio – fait de beaucoup de sujets qui sont traités avec parcimonie – rend hommage à la culture française, la technicité de sa langue, la richesse de son pluri-culturalisme, sa beauté.
Il est rythmé avec un face-à-face enrichissant, comporte plein de bonnes choses à entendre, à disséquer. Je le répète, il y a de la beauté et de la justesse dans ce film, qui certes n’est pas aussi fort que le docu À Haute Voix, La Parole Est Une Force lui aussi sur le sujet de l’éloquence, car Le Brio boxe dans une autre catégorie. Lui joue sur l’émotion, comédie oblige, à l’image de l’avant-dernière scène. Et justement, si on prend cette comédie pour ce qu’elle est, au final, le personnage de Mounir est sans doute le plus intéressant.

« Le smartphone est le trou du cul de la science. Et si c’était le temps qui avait tort. »  – Formidable diatribe ! –

« T’obstiner dans les études pour te retrouver au chomage avec Bac+5 parce tu n’as pas le bon nom de famille. »  – Qui a dit que Vaincre la fatalité était une sinécure !? –

Bon film, bonne toile !

 

  • * « Bien » dans le sens qu’en employant un français soutenu, mais aussi en corrigeant les fautes des autres tout en dégageant ce petit côté de pédant, de condescendant ou de sarcastique, volontairement ou pas, l’auteur.e ne fait pas attention au fait qu’il ou elle puisse être blessant.e ou vexant.e à étaler son intelligence et donc à rabaisser celle ou celui, ceux lui faisant face.
    ** Émission Le Tube, Canal+ du 9-12-2017.
  • p.s :  Chapeau bas à Yvan Attal pour s’être passé des clichés sur la Banlieue. Il met en avant sa richesse et ses habitants qui ont tous quelque chose à apporter à ce pays, pardon, à leur pays ! C’est surtout sa jeunesse et les liens familiaux qui y sont bien traité.e.s.
  • p.s :  La bande son est comme le contenu du film, bonne !

 

@cineprochereviews