Anatomie d’une chute, +++++

•Sortie France le : 23 août 2023
•Synopsis et bande-annonce : anatomie-d-une-chute-vostfr (via Le Pacte/YouTube)
•Chronique :

 

 

« Cause de la mort à déterminer » — LE couple — LE doute
ou
Un mystère — Des portraits — Un procès …

Anatomie d’une chute oui, mais laquelle ?
Celle d’un homme-mari-père-artiste, celle de la fin d’une histoire, celle d’une carrière, une chute de la passion de l’un pour l’autre, celle d’une collaboration, celle de la fin de l’innocence, celle d’un parent qui dévie et qui d’une certaine manière est influent, manipulateur, et nous manipule au passage ?

Contexte d’un foyer, d’un espace, d’un lieu de « vie » à partager et qui parfois se transforme en cohabitation forcée avec des compromis pas toujours évidents à trouver, cette dernière situation est encore plus compliquée quand il s’agit de deux créatifs dont l’art est opposé, un couple à l’apparence parfaite mais qui est au bord de l’implosion, Anatomie d’une chute,  ce thriller, tout est d’abord dans le montage, puis les personnages. Bien que paraissant simple en tout, les ambiguïtés qui s’y trouvent sont un tout.

Est-elle une calculatrice, une tueuse au sang-froid, une manipulatrice qui avait tout prévu car bien d’éléments seraient en sa faveur, est-ce un acte impulsif commis par une personne blessée dans son amour propre et qui avait enfoui très profondément en elle un ressentiment ?
Anatomie, donc analyse pour bien ou mieux comprendre les choses, question de pouvoir apporter des réponses concrètes, ce film qui aurait pu nous présenter une situation de féminicide, est bien plus efficace dans son scénario.
En effet, l’inversion de la situation permet d’explorer d’autres points d’un accident qui pourrait s’avérer être le crime parfait et donc d’évoquer un acte toujours très rare au cinéma : la femme qui tue. Un acte qui étrangement étonne.

Anatomie d’une chute.‎ Parler de soi, parler de faits, ne pas les déformer pour protéger l’autre.
‎‎2h30 d’un récit tout en longueur, un récit par étapes, des étapes qui s’imbriquent à la perfection car à aucun moment on ne ressent cette longueur que j’évoque.
Le contenu rend curieux, les échanges tout autant, mais il y a surtout l’attitude de cette femme et mère qui vient de perdre son mari, le père de son enfant. Elle gère peut-être un peu trop bien la tragédie que représente cette perte, donc doute, des doutes.
La force du scénario est de nous mettre dans cette position : Croire, ne pas croire. La personne de Sandra Hüller, l’actrice principale, y est pour beaucoup.

Rhaaaa ! C’est pénible pour des gens comme moi ces films aux scénarios bien construits.
Sa force ? Il impose le rythme, et chaque nouvel élément complique les idées des personnes qui tentent de dénouer l’affaire dans leur tête, c’est sans cesse. Grâce à cette construction, le film pourrait durer quatre heures facile.
On vit le film, notamment avec le traitement des médias.
Par moment, oui, on a l’impression d’être devant la télévision, la chaîne BFM TV pour certains instants précis, et l’émission de société « Ça commence aujourd’hui » sur France 2 en l’occurrence, tant l’intrusion dans l’intimité et de la manière dont cela s’impose à nous sont bien effectuées.

Le procès ?
Désormais, un procès est un grand moment de cinéma !
Dans celui de ce film – qui ne déroge pas à la règle – la star pour moi c’est Antoine Reinartz en Avocat général !
Dans ce film, j’aimerais détester cet acteur, mais son talent oblige au respect, surtout quand je me rappelle qu’il est l’interprète avec discrétion mais brio de rôles délicats (120 battements par minutes, Arthur Rambo, Les damnés ne pleurent pas).
Son rôle ici durant le procès – qui comporte d’excellentes joutes verbales durant des oppositions parfois ressemblant à des duels – , quel talent !
Irritant, énervant avec son crâne rasé, mais cet aspect, je pense, n’est pas un hasard. Curieusement, le procès et cet acteur sont les‎ points forts du film, ils représentent la partie dynamique du récit, une partie qui elle aussi, est un instant de dénonciations et de décortications‎.

Anatomie d’une chute.
De public, nous passons à témoins. C’est sa grande force !
Palme d’Or, d’accord, le film dans sa forme et son attractivité que nous impose les ambiguïtés d’une affaire semblant bien plus complexe qu’elle n’y paraît, le fait qu’il captive et qu’il ne dévoile rien, ‎le fait qu’il donne l’impression que le doute s’applique à toutes et à tous, mais surtout qu’il s’immisce en nous, ce jusqu’à la fin, est-ce les raisons de son sacre ? Cqfd ! Je trouve que c’est un film assez pervers quand même !

Anatomie d’une chute, seuls ceux qui savent…savent, et il faut faire avec.
Du coup, anatomie oui, mais du doute, car cette réponse plutôt attendue qui demeure lettre morte, pousse les spectateurs et spectatrices à en être rempli.e.s du fait que tant d’ambiguïtés subsistent, un peu comme son affiche qui reprend une scène du film, mais dont seul un personnage change. Fichu doute !
Je me répète, mais rien de grave, Anatomie d’une chute, ‎de public, nous passons à témoins, voire à prisonnier-prisonnière d’un doute qui nous habite durant et un bon moment après le visionnage. C’est sa grande force !
C’était l’anatomie d’un film pervers avec son public.‎ Bonne toile !

 

 

« Pour sortir du doute, il faut décider de choisir de basculer d’un côté ou d’un autre »

 

 

  •  p.s :  Ce film parle beaucoup du métier d’écrivain, évoque les médias durant un procès en cours, la lutte pour ne pas se laisser influencer ‎- interprétation versus faits – et cela est aussi très intéressant.
    Pour la première fois depuis que je vais au ciné, depuis 2009 donc, une Palme d’or me séduit. Mieux vaut tard que jamais.

 

 


 

@cineprochereviews